Malaise chez France Telecom... et ailleurs ?
Par Tizel le dimanche 3 octobre 2010, 11:17 -
Actualité
- Lien permanent
De la crise de confiance employeur/employé
Il y a comme qui dirait comme un malaise entre les employés et leurs employeurs. Entre le patronat (incluant patrons et actionnaires) et les ouvriers (incluant désormais a la fois les cols bleus et les cols blancs). Le fossé se creuse entre les premiers, qui brassent beaucoup d'argent sans le redistribuer a leurs petites mains et les second qui voient leur salaires stagner et leur travail remis en cause quand bien même les entreprises font de grands bénéfices. C'est peut être ça, aussi, le malaise qui se traduit en ce moment dans la rue par une opposition a la réforme des retraites. Je suis moi même persuadé qu'il n'y a pas vraiment d'alternative a travailler plus longtemps pour financer la réforme des retraites, mais je suis également convaincu que ce ne sera pas possible dans les conditions actuelles. Il faut désormais que les employeurs regagnent la confiance de leurs employés, que le contrat qui lie l'employé et l'employeur ne soit pas uniquement un acte juridique, mais aussi un contrat de confiance.
J'ai regardé Jeudi le reportage d'Envoyé Spécial sur les suicides a France Telecom. J'ai trouvé cela vraiment édifiant. Comment une entreprise peut manipuler ses salariés, manipuler des masses et jouer aux apprentis sorciers avec la psychologie des gens ? Le reportage me donnais presque envie de vomir quand je voyais un cabinet de conseil en management se justifier sur une comparaison entre France Telecom dans son environnement économique et l'Angleterre pendant la seconde guerre mondiale... J'avais la nausée quand je voyais la mise a l'écart de telle ou telle personne, sans explication aucune. Espérons que la justice fera son travail dans cette affaire et feront condamner les instigateurs d'une telle machination.
Mais France Telecom n'est pas un cas isolé. Nombreuses sont les entreprises qui procèdent a des restructuration, des déménagements forcés, de façon a obliger des employés a quitter de leur plein gré l'entreprise.
Les exemples de harcèlement moral généralisé. Certains modes de management sont reconnus comme étant a l'origine de harcèlement moral. De nombreuses affaires éclatent aux quatres coins de la France, dans des entreprises de toutes tailles. Personne ne semble épargné, les affaires se multiplient : dans l'Ouest, dans le Sud dans une mairie, dans l'est chez les pompiers, et même dans le nord, dans une école de commerce qui enseigne le management.
Pour résoudre le problème, ne faudrait-il pas fonder un nouveau contrat social a destination des entreprises ?
A lire aussi sur ce blog :
Commentaires
Je trouve assez inapproprié, d'éditer des livres, de faire des articles, des reportages dans lesquels on nous décrit les méthodes utilisées pour écœurer les gens, l'inévitable ouverture à la concurrence du secteur, les réorganisations intempestives, les pressions ... si tout cela est instructif et véridique, il n’en demeure pas moins que le problème de fond n’est jamais abordé. En focalisant exclusivement sur l'aspect spectaculaire des évènements sans chercher à en connaitre les véritables causes, on occulte les sujets qui dérangent ce qui revient presque à mentir par omission.
Le malaise actuel et spécifique à France Télécom s’explique en remontant à la source, c'est-à-dire à l’époque de la réforme des PTT entamée en 1990. On ne saurait expliquer sommairement les faits récents en excluant du débat, l’aspect historique et notamment, la modification statutaire du personnel et le choix crucial que les gens ont eu à cette occasion, pour décider à titre individuel de cautionner ou non ce changement et partant la gestion de type privée, corollaire à la privatisation qui allait suivre. En effet, la réforme qui a scindé l’ex administration bicéphale des PTT en deux établissements distincts a accordé un droit d’option aux agents. Dans ce cadre, il a été créé un statut sur mesure propre au personnel de France Télécom et de La Poste; un statut hybride empreint de droit privé et de droit public, présenté alors comme un parfait compromis pour faire face aux défis du futur.
A ce jour, plutôt que de relever de la convention collective relative à leur secteur d’activité, ces personnels sont encore majoritairement structurés et organisés par rapport à des corps propres à leur entreprise, si bien qu’on les appelle les « fonctionnaires de France Télécom » et symétriquement les « fonctionnaires de La Poste », mais dans les faits, ce statut bâtard et amplement dérogatoire qui ne confère en réalité ni les avantages du droit public ni les avantages du droit privé, a à peu près la même signification que de parler de «fonctionnaire de DARTY» ou de «fonctionnaires de CARREFOUR»; néanmoins cette modification statutaire majeure a été acceptée par l’immense majorité en échange d’un gain financier.
Bon il faut dire aussi, qu’au lieu de présenter les choses clairement, on a pris soin de les tromper et de les désinformer sur la réalité du choix à effectuer (au moyen d'une mystification faite autour du terme usuel "fonctionnaire"), de manière à ce qu’ils se "déshabillent " eux mêmes en toute quiétude et sans même s'en rendre compte. Par ailleurs, on oublie de dire, qu'en parallèle tout a été mis en œuvre pour faire taire l’ultra minorité des fonctionnaires des PTT un peu trop clairvoyants, lesquels, fermement attachés à leur statut initial, ont toujours refusé le dépouillement statutaire, et que ceux là en revanche, sont totalement exclus de l’actualité médiatique alors qu’ils ont subi les mêmes pressions pour les contraindre à infléchir leur choix légitime et qu’en outre, pour eux, la persécution a commencé dès la transformation de FT en société anonyme, soit depuis 1997.
Le subtil montage juridique réalisé à travers la réforme de l’ex administration des PTT n'avait d'autre but que de "préparer le terrain" tout en garantissant une relative paix sociale dans l'entreprise. Sous l'effet d’une propagande intensive vantant un cadre juridique inédit, censé concilier le meilleur des deux mondes public et privé, en offrant à la fois garantie de l’emploi et rémunérations attractives, la quasi-totalité est ainsi rentrée dans un univers ultra concurrentiel avec une relative sérénité. Ils étaient (et sont encore) nombreux à être persuadés de perdurer « fonctionnaires », alors qu’en réalité ils sont tous salariés de droit privé depuis belle lurette (mais personne n’ose leur dire), leur statut atypique de "fonctionnaire propre à l'entreprise" est comparable à une coquille vide...
Alors évidemment le jour où la réalité économique l'emporte sur la volonté de maintenir un "écran de fumée" en interne pour rassurer des crédules et /ou des incultes, et quand il faut tailler dans le "gras des effectifs" pour assurer la pérennité de la société désormais privatisée, alors que la plupart se croient encore protégés par un statut bidon, il y a comme une incompréhension et un profond malaise qui s'installent chez le personnel avec les conséquences que l'on connaît aujourd'hui ...
Le dilemme à gérer pour cette entreprise privée, très concurrencée, soumise à la logique boursière, dont la période de prospérité est finie, et qui en plus a hérité de sureffectifs en raison de son passé d'ex administration (une époque où les priorités n'étaient pas du tout les mêmes), c'est précisément de réduire sa masse salariale importante sans pour autant procéder à des plans sociaux, car dans ce dernier cas, cela obligerait à avouer à ces soi-disant " fonctionnaires " qui ils sont vraiment, et du coup cela risquerait de mettre le feu aux poudres, car cela reviendrait à dire que les politiques et les syndicats collabos, vecteurs de la réforme, n’ont fait que leur mentir depuis 20 ans !...
C’est l’Etat qui est derrière tout ça, qui donne le tempo, qui a laissé faire (car il y avait son propre intérêt), et qui feint de s’émouvoir d’une situation dramatique qu’il a lui-même créé car il est l’instigateur de cet imbroglio ingérable. Ce même Etat a beau jeu aujourd’hui de se dédouaner sur France Télécom , de focaliser sur une période récente, et de montrer du doigt la gestion d’un seul homme (Lombard), alors qu’en réalité tout ce gâchis humain est la conséquence d’un dol, de désinformations, d’un déni de droit et d’un consensus politique qui durent depuis 20 ans.
Dans ce contexte tortueux, hautement explosif (et sensible politiquement), et sans pour autant se faire l’avocat du diable, il faut reconnaître que l'entreprise tiraillée entre ses actionnaires et l’Etat qui la bride, n'avait pas véritablement d'autre alternative pour réduire ses effectifs, que de recourir au harcèlement systématique et collectif afin d’obtenir un maximum de démissions... ou de suicides ...
Il est regrettable que nos journalistes fassent l’impasse sur cet aspect essentiel de la réforme des PTT et du choix statutaire (certes déguisé) conféré jadis aux agents, élément indispensable pour bien comprendre la situation complexe de France Télécom et l’option retenue afin de concilier cette double contrainte : réduction des effectifs et prétendue impossibilité (fausse en réalité) de procéder à des licenciements économiques, parce qu’il fallait en même temps entretenir l’illusion d’un statut préservé et d’une garantie de l’emploi consécutive. Voilà ce qu'on ne dit jamais , alors qu'elle est là la face cachée de l’iceberg…
Merci Jcest pour ces précisions très intéressantes, et qui apportent un éclairage supplémentaire sur ce qui se passe a France Telecom.